D’années en années, les députés se réunissent pour voter un budget adossé sur des projets, mais l’amélioration de la qualité de vie ne suit pas

 

L’Assemblée Nationale camerounaise entre en session le 12 novembre 2020, la troisième et dernière de l’année habituellement consacrée à l’examen du budget pour l’exercice suivant. Il sera donc question pour les députés d’adopter au terme des 30 jours de travaux l’enveloppe qui va sous-tendre en 2021 les investissements et le fonctionnement de l’Etat. La convocation y afférente a été signée le 02 novembre par le président de la Chambre, Cavaye Yeguie Djibril. L’exercice est devenue habituelle depuis des années, presque la routine. Les députés arrivent à l’Assemblée nationale et découvrent le document budget, conformément à l’article 38 du règlement intérieur selon lequel « les projets de loi dont l’assemblée nationale est saisie par le président de la république sont déposés sur le bureau de la chambre pour être transmis par le président
de l’assemblée nationale à la conférence des présidents qui décide de leur recevabilité et de leur attribution à une commission générale. Il en est donné connaissance aux députés en séance plénière. »

Routine certes, mais toujours est-il que chaque année, il sort de l’Assemblée nationale un budget qui prévoit des projets  à réaliser tout le long de l’année à venir sur l’ensemble du territoire. Sauf que les populations, presque jamais associées à l’élaboration de ces projets, ne les connaissent pas et en conséquence ne peuvent les suivre. Elles, ces populations peuvent en effet difficilement dire en cette fin d’année par exemple, quels sont les projets prévus pour l’exercice en cours et quel est le niveau de réalisation.

Projets…

En jetant un coup d’œil sur le journal des projets prévus par le budget d’investissement public 2020, on peut relever pèle mêle quelques cas. Dans le département du Nkam, il était prévu dans le domaine des travaux publics, les travaux de bitumage en enduit superficiel de la route Mangamba – Bondjo pour un montant de 200 millions de francs cfa, les travaux de bitumage de la route Bonepoupa-Yabassi pour 4 milliards de francs cfa, la réalisation des accès au pont sur le fleuve Makombé pour 77 millions 700 000 fcfa, la réhabilitation dans la commune de Nkondjock de l’axe Ndogbang-Sam-Ndogmalang et la construction d’un ponceau à Matoubé derrière l’église catholique pour 27 700 000 fcfa, la réhabilitation de l’axe Nkolbong-Massoumbou village pour 27 700 000 fcfa, la réhabilitation des tronçons de route du canton Ndoktouna à 27 700 000 fcfa, et l’étude de la construction de la route Yabassi-Nkongdjock-Bafang à hauteur de 100 millions de francs cfa. Tous ces projets se chiffraient à 4 milliards 760 millions de francs cfa. Dans le département du Nkam toujours, et cette fois dans le domaine de l’habitat et du développement urbain, 70 millions de francs cfa étaient prévus pour l’élaboration d’un plan sommaire d’urbanisme de la ville de Nkondjock, 50 millions pour la réalisation dans la ville de Yabassi des tronçons des voiries pont Batika-mission catholique carrefour des huit Magnongo, carrefour des huit Djokake, carrefour des huit Ngonfi Malende, tous ces projets pour un montant total de 120 millions de francs cfa.

Le ministère des Petites et moyennes entreprises, de l’économie sociale et de l’artisanat avait quant à lui prévu pour cette année 2020, toujours dans le  même département, de dépenser la somme totale de 11 457 000 fcfa, soit 2 millions pour l’appui au Gic Seydinoma de Ndobian, 3 millions au Gic Ank de Ndottokwakwack et 6 457 000 pour le paiement en régularisation des travaux de construction d’un hall de fumage et de conservation des poissons à Ntondè village. En santé, ce même département devait bénéficier de la construction d’un centre de santé intégré à Dissouck pour 50 millions de francs cfa, cet établissement hospitalier devait en outre bénéficier d’un équipement en matériel médical à hauteur de 8 millions, de même que les deux autres centres intégrés de Bangope et de Ndockati. Les Affaires sociales avaient prévu un appui en appareillage aux populations vulnérables à Nkondjock pour 1 500 000 fcfa, pareil pour les personnes vulnérables de Ndobian, Yabassi et Yingui. Pour le ministère de la Promotion de la femme et de la famille, la délégation départementale du Nkam devait être équipée à hauteur de 4 900 000 fcfa, le CPFF de Ndobian équipé à 15 000 000 fcfa, et le paiement des arriérés de construction du CPFF de Yabassi prévu pour 21 448 000 fcfa.

…non suivis

Tous ces projets sont rappelés ici, pas pour dire que ce département a bénéficié plus que d’autres, mais davantage pour montrer que dans l’élaboration des budgets d’investissement public chaque année il est prévu des projets dans les coins les plus reculés du territoire. Sans compter les micro-projets parlementaires pour lesquels les députés bénéficient annuellement d’une dizaine de millions. Le paradoxe est que plus les années passent, plus de budgets sont votés pour les projets, plus les infrastructures étatiques tombent en décrépitude dans ces zones reculés. Les images qui proviennent souvent de là montrent des bâtisses publiques en piteux état, les toitures enlevés par le vent, le mobilier clopant là où il existe. Voyager en arrière-pays reste un chemin de croix d’années en années à cause des routes impraticables, malgré l’existence des budgets de réhabilitation ou de construction.

On reprend

Et les députés qui vont entrer en session le 12 novembre pour voter un autre budget, peuvent-ils faire le bilan de réalisation des projets de l’année en cours ? Ont-ils fait des enquêtes de suivi pour savoir ce qui a été fait, ce qui est en cours et ce qui n’est même pas entamé ? Ont-ils décelé le nœud gordien qui bloque l’exécution efficace des budgets chaque année pour faire des propositions de loi dans le sens de l’améliorer ? Ou sont-ils seulement en train de peaufiner déjà  leurs emplois de temps durant les 30 jours à passer à Yaoundé pour suivre tel ou tel dossier dans un ministère ou dans un autre ?  Ce sont juste des questionnements, pour dire qu’il ne suffit pas aux députés de réclamer à cor et à cri le titre de honorable, il faut l’être, par des actes en faveur des populations de qui on tient le mandat. Aller voter un budget c’est bien, mais veiller à ce qu’il ne soit pas exécuté seulement dans les lignes de consommations mais pour les investissements prévus en faveur des populations, c’est encore mieux, c’est même plus… qu’honorable

Roland TSAPI

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