Traite des noirs, charte de l’impérialisme, abolition de l’esclavage dans les textes, annexion de l’Afrique…les puissances occidentales avaient tout planifié sur le Continent noir, jusqu’aujourd’hui

En signant le décret d’abolition de l’esclavage, les pays occidentaux avaient déjà un plan B pour continuer à dominer les peuples africains. Cette fois il ne s’agissait plus seulement de venir les acheter et les emporter ailleurs, le sale boulot pouvait se faire sur place, avec une domination directe. Grace aux missions avancées des missionnaires, les terres africaines avaient déjà été repérées, et surtout avec les richesses du sol et du sous-sol. Certains marchands d’esclaves ne s’arrêtaient plus sur les côtes où ils avaient installé les comptoirs marchands, ils avaient pris aussi l’habitude de descendre des bateaux et « prendre un peu d’air » sur terre ferme, et de manière progressive, avaient déjà commencé à s’approprier certaines portions.

Premières colonies

En 1830, la France occupait l'Algérie, le Sénégal, ainsi que le centre de l'Afrique du Nord. En 1881, c’est le tour de la Tunisie. Froissant au passage la susceptibilité de l'Italie, elle pose ses premiers jalons dans les territoires constituant l'actuelle république du Congo et s'empare de la Guinée en 1884. En 1882, le Royaume-Uni était maître  de l'Égypte, une province de l'Empire ottoman avant de se tourner vers le Soudan et l'actuelle région du Somaliland (que les colonisateurs dénommeront en 1884 Somalie britannique). En 1885, l'Italie prend possession d'une partie de l'Érythrée, alors que l'Allemagne déclare en 1884 avoir pris possession du Togo, du Cameroun, du Sud-Ouest africain (l'actuelle Namibie) et de l'Afrique orientale allemande en 1885.

Mais les rivalités naissaient entre elles et certaines puissances se disputaient les mêmes terres. C’est dans ce contexte que le premier ministre allemand Otto Von Bismarck convoqua la conférence de Berlin, la deuxième du genre, afin que les puissances qui avaient les vues hégémoniques sur l’Afrique s’entendent sur le partage.

Le festin

15 novembre 1884, 14 pays occidentaux se retrouvent donc à Berlin, la capitale de l’empire Allemand. Etaient présents à ce festin : l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l'Empire ottoman, l’Espagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède-Norvège ainsi que les États-Unis. La Conférence dura 72 jours, jusqu’au 26 février 1885. Le principal ordre du jour était le partage de l’Afrique et  l'installation de façon durable de la colonisation. L’idée peut être taxée de malsaine, mais c’est bien ce qui a réuni cette année les puissances qui se présentent comme bienfaitrices à l’Afrique aujourd’hui. Froidement, ils décidèrent de se partager un sol qui ne leur appartenait pas, sans l’avis des occupants de ces terres qui n’étaient pas d’ailleurs représentés à la rencontre, leur avis ne comptait pas, encore que le Code noir les avait classés au même niveau que des meubles, incapables de disposer d’eux-mêmes. Au cours des travaux, le chef du gouvernement de l’empire allemand  Otto Von Bismarck se pose en médiateur de la crise, profitant de l'occasion pour affirmer un peu plus le rôle central de l'Allemagne dans le concert des nations.

Deux courants s’opposent pendant les discussions. D'un côté, Bismarck entend garantir la liberté de navigation et de commerce dans toute la zone. De l'autre, le Portugal, soutenu par le président du Conseil français Jules Ferry, conçoit les colonies comme un monopole commercial détenu par la métropole. Finalement, la conférence établit une liberté de commerce étendue dans les bassins du Congo et du Niger, mis à part dans le domaine du transport d'armes. Le problème de l’empire du Kongo où s’affrontaient la France et la Belgique est aussi résolu.

Le partage

Les frontières du nouvel État sont fixées : au total, Léopold II de Belgique reçoit, à titre personnel, deux millions et demi de kilomètres carrés qui deviendront plus tard l'État indépendant du Congo. Au nord-ouest de l'État ainsi formé, 500 000 km2 reviennent à la France, qui le baptise Congo-Brazzaville. En dehors de cela, chaque puissance doit garder les territoires déclarés auparavant. Le document final signé, appelé  traité ou actes de Berlin, dispose que toute puissance européenne installée sur la côte peut étendre sa domination vers l'intérieur jusqu'à rencontrer une « sphère d'influence » voisine. Mais le traité exclut le principe de l'hinterland qui permet l'annexion automatique de l'arrière-pays par un État maîtrisant son littoral. Il ne peut y avoir annexion que par l'occupation effective du terrain, et les traités conclus avec les populations indigènes doivent être notifiés aux autres nations colonisatrices. Cette dernière précaution consacre les accords de non-ingérence. La liberté de navigation sur les fleuves Niger et Congo et la liberté de commerce dans le bassin du Congo sont garantis pour toutes, l’interdiction de l’esclavage est interdite et la Conférence invite les signataires à contribuer à son extinction.

Comme un gâteau

Au sortir de la Conférence de Berlin, la balkanisation de l’Afrique s’accélère, les actes signés avaient tout l’air d’un permis d’occupation, les puissances occidentales se comportèrent dès cet instant comme si ces terres étaient vacantes, inoccupées. Le découpage avait été fait sur la carte. Comme  un couteau qui dépèce le gâteau d’anniversaire,  le crayon trace les frontières sans tenir compte des réalités locales. Les mêmes peuples sont séparés et divisés, c’est ainsi par exemple qu’au Sud du Cameroun on retrouve les mêmes peuples qu’au Gabon et en Guinée Equatoriale.

Pour le partage final donc, le Royaume Uni s’installe en Gambie, Sierra Léone, le Ghana, le Nigéria et domine presque que toute l’Afrique Australe. La France quant à elle réaffirme sa suprématie sur l’Afrique du Nord, occupe le Soudan, l’Afrique centrale et Madagascar. L’Allemagne occupe le Togo, le Cameroun et le Tanganyika, l’Espagne se contente du Sahara Occidental, de la Guinée Equatoriale et des îles Canaries, le Portugal s’établit en Guinée Bissau, en Angola et au Mozambique, l’Italie prend la Lybie et la Somalie, enfin la Belgique occupe le Congo. Il faut noter ici que le Libéria avait été créé en 1822 pour accueillir les anciens esclaves affranchies des Etats Unis, il avait proclamé son indépendance en 1847, laquelle est restée inviolée.

L’Afrique est donc entrée de plein pied dans la colonisation au sortir de cette conférence, désormais régie par la fameuse charte de l’impérialisme. La suite a été le réveil des consciences, les guerres d’indépendance avec les massacres à grande échelle, et l’accès à une indépendance qui reste questionnable aujourd’hui.

Roland TSAPI

Retour à l'accueil