Paul Biya aurait-il choisi de finir comme tous les autres dictateurs africains qui au soir de leur règne ont tourné le dos à leurs concitoyens pour n’écouter que la voix de leur conscience et ceux avec lesquels ils tiennent les rênes du pouvoir ? C’est la question que l’on est en droit de se poser lorsque la communauté internationale célèbre ce 15 septembre 2020 la journée mondiale de la démocratie.

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La guerre civile dans le nord-ouest et le sud-ouest bat son plein depuis quatre (4) ans déjà. Les exactions de la secte islamique  Boko Haram dans l’extrême-nord sont loin d’être terminées. L’insécurité généralisée ne cesse de gagner le pays. Et comme si le régime de Yaoundé est manifestement sourd, têtu ou autiste, des plans de reconstruction des zones en guerre sont envisagés alors que la guerre en elle-même n’est pas terminée. Tandis que le contentieux postélectoral né de la présidentielle de 2018 et les élections couplées législatives et municipales de février 2019 restent au travers de la gorge de certains candidats de partis politiques, Paul Biya veut quand même organier les régionales 24 ans après la révision constitutionnelle de 1996. Il existe une opposition qui réclame depuis plusieurs années un code pouvant permettre une saine et équitable compétition électorale pour tous et une redistribution proportionnelle des sièges par circonscription.  Et pendant que ces opposants crient au scandale disant que l’on ne peut pas envisager les élections régionales alors que la guerre perdure dans le Noso et l’extrême-nord, et que rien n’est fait de façon concrète pour ramener la paix si non la guerre, le chef de l’administration territorial organise la répression afin d’intimider toute manifestation fut- elle-même pacifique dans la rue, et demande aux gouverneurs de régions de ne autoriser aucune manifestation publique fut-elle de l’opposition. Dans tout cela, le peuple camerounais dans sa grande majorité est comme indifférent ou résigné, à l’exception de certains leaders qui tiennent encore à exprimer leurs désapprobations par rapport à tout ce qui se passe au pays.

Les textes et instruments internationaux que le Cameroun a pourtant ratifiés disposent en gros que, le respect des libertés et des droits de l’Homme, le principe de la tenue d’élections honnêtes et périodiques au suffrage universel sont des valeurs, qui constituent des éléments essentiels de la démocratie. La charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance dispose en effet que : « Les Etats parties s’engagent à mettre en œuvre des programmes et à entreprendre des activités visant à promouvoir des principes et pratiques démocratiques ainsi qu’à consolider la culture de la démocratie et de la paix ». Les textes que le Cameroun a ratifiés et dont la constitution a entérinés sont pourtant nombreux : outre la Charte africaine des droits de l’Homme et des libertés, il y a la Charte Africaine de la Jeunesse, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, il y a surtout le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entre autres.

Sur le terrain, les cas de violations des droits et des libertés sont pourtant légion : le 28 mai 2019, le journaliste et lanceur d’alerte Paul Chouta est arrêté et emprisonné de façon arbitraire ; le 2 août 2019, le journaliste d’expression anglaise  Samuel Wazizi est arrêté et emprisonné, puis annoncé pour mort, alors qu’il avait simplement tenu des propos critiques sur la gestion de la crise anglophone, on l’a accusé d’être de connivence avec les terroristes ; le 9 août 2019 le Ministre de l’Administration territorial (Minat) profère des menaces et des intimidations à l’endroit de certains médias et ONG pour avoir rendu compte de certaines escapades de l’armée sur le terrain ; le 7 avril 2020 il y a une interdiction de levée de fonds du MRC pour venir en aide aux victimes de la crise sanitaire due au coronavirus ; le 23 juillet 2020 le Chef Bamendjou Sokoudjou Jean Rameau est mis en garde par le préfet du département des Hauts-Plateaux pour avoir reçu certaines personnalités dans son palais ; le 8 août 2020 il y a interdiction d’une réunion du bureau départemental du Parti politique dénommé PCRN devant se tenir dans le domicile d’une élite militante, entre autres ; et le cas le plus récent, c’est la mise en garde du Minat contre toute initiative de manifestation publique portée par les partis politiques de l’opposition ou toute autre personne, en lien avec les élections régionales.http://polcrevision.com/wp-content/uploads/2020/09/flagcameroon.jpg

Sur ces entre-faits, et à l’occasion de la célébration de la 13ème édition de la journée internationale de la démocratie, journée qui fut instituée le 15 septembre 2007 par l’Assemblée générale des Nations Unies, Philippe Nanga à travers l’ONG Un Monde Avenir interpelle et fait des recommandations au gouvernement Camerounais. Un Monde Avenir et ses partenaires : « Appellent le président de la République, signataire des instruments internationaux, garant du respect de la Constitution, à reprendre des mesures urgentes qui proscrivent toute acte… en contradiction avec l’adhésion du Cameroun… aux principes démocratiques ». La Déclaration des principes sur la liberté d’expression en Afrique dispose en effet en son chapitre XIII point 2 que : « La liberté d’expression ne devrait pas être restreinte pour des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale, à moins qu’il n’existe un risque réel de menace imminente d’un intérêt légitime et en lien causal direct entre la menace et l’expression ».

Rodrigue TCHOKOUAHA

 

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